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ACTES FONDATEURS ET GESTES DE COMMUNION

par le R. P. Louis-Marie de Blignières

 

 

Le pèlerinage à Rome pour le dixième anniversaire du Motu proprio Ecclesia Dei a confirmé la vitalité du courant traditionnel dans l’Eglise. La presse a parlé à cette occasion, de façon un peu provocante, du " soutien de Rome aux tradis ". Le discours du Saint-Père lors de l’Audience du 26 octobre 1998, avec son invitation fraternelle aux évêques " à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée aux fidèles attachés à l’ancien rite " (1), a surpris ceux qui pensaient que les dispositions du Motu proprio avaient un caractère exceptionnel et provisoire.

Nous nous proposons de tenter de mieux faire comprendre l’une des caractéristiques des instituts de la mouvance d’Ecclesia Dei : vivre la pleine communion ecclésiale dans la fidélité aux rites traditionnels et manifester cette communion par des signes cohérents avec ce choix fondamental. Pour cela, nous devons rappeler la nature de leurs actes fondateurs : après les avoir replacés dans leur contexte historique, et avoir indiqué les intentions spécifiques qui les ont animés, nous soulignerons leur caractère de jugements prudentiels. Puis, dans la ligne du charisme propre de ces instituts, nous réfléchirons sur les gestes d’unité demandés par le Saint-Père " à tous les catholiques ", pour que " la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres ".(2)

 

1. Contexte historique

a. La crise de l’Église

La réalité d’une " crise de l’Eglise ", imbriquée dans la crise de la modernité qui affecte le monde de la pensée et la société civile, est aujourd’hui de plus en plus reconnue : crise d’identité dans le rapport au monde, dans la transmission catéchétique de la foi, dans l’élan missionnaire, dans la spécificité sacerdotale, dans la vie religieuse, crise enfin des vocations et crise de la liturgie. Paul VI et Jean-Paul II, ainsi que le Cardinal Ratzinger et d’autres hauts responsables, ont indiqué, à la suite de nombreux analystes du dedans et du dehors, la présence de ces diverses composantes, mêlées à d’indéniables éléments positifs et à de nombreux signes d’espérance, dans la vie ecclésiale depuis une trentaine d’années.

La naissance des instituts Ecclesia Dei ne saurait être comprise sans la référence à ce contexte de crise postconciliaire. Vatican II se proposait de réaffirmer et développer le trésor de la doctrine catholique, en indiquant les voies pastorales qui semblaient les plus opportunes pour qu’elle atteigne les hommes contemporains : " Il importe que cette doctrine certaine et immuable, à laquelle on doit se soumettre fidèlement, soit étudiée et exposée d’une manière conforme aux exigences de notre temps" (3). Il n’est pas dans notre propos d’étudier toutes les solutions pastorales dont le Concile, dans l’optimisme des années soixante, ouvrait les voies. Nous ne chercherons pas non plus si les réformes postconciliaires n’ont pas largement dépassé ce que demandaient les Pères conciliaires.

Avec le recul du temps, il apparaît que plusieurs de ces réformes, en elles-mêmes et plus encore dans leur application, furent marquées de notables déficiences, qui compromirent la mise en œuvre des justes intuitions des Pères conciliaires. Trois de ces carences jouèrent, nous semble-t-il, un rôle important. D’abord l’aspect pastoral a pris le pas sur le fondement doctrinal rappelé et développé par le Concile. Ensuite le souci de la continuité et de l’homogénéité consubstantielle à la croissance du dogme et à l’évolution de la liturgie a été insuffisant. Enfin la rapidité et l’universalité des réformes, jointes à la brutalité de leur mise en application, ont fait contraste avec les déclarations sur la suppression de l’arbitraire.

Cette période a été celle d’une crise profonde de la notion même de Tradition. En dépit des rappels doctrinaux de Paul VI(4), la continuité de la Tradition a paru ébranlée au point que l’aile progressiste parla, pour s’en réjouir, de rupture, arrivant en certains cas à la dissidence ouverte quant au contenu de la foi. D’un autre côté, le lien du magistère vivant avec la Tradition a semblé obscurci par l’insistance sur la nouveauté et l’urgence des réformes. De nombreux fidèles se sont sentis abandonnés aux mains de novateurs, et ont déserté la pratique ou se sont installés aux marges, jusqu’à rompre en certains cas les liens de la communion hiérarchique.

Les points les plus sensibles de ce processus furent l’enseignement de la théologie, la question des catéchismes et celle de la liturgie. " Je suis convaincu, écrit le Cardinal Ratzinger, que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. "(5) En ces trois domaines, de réels progrès pouvaient être réalisés, en prenant en compte les directives du Concile en leur ligne essentielle. Mais la clef d’un progrès authentique est le respect de l’acquis légué par les prédécesseurs, et dans le cas de l’Eglise animée par le Saint-Esprit, la piété filiale vis-à-vis de " la Tradition qui nous vient du Seigneur par les Apôtres, telle qu’elle s’est constituée tout au long de l’Histoire " (6).

On retrouve sur ces trois points-clés les carences signalées plus haut. L’obnubilation sur une perspective d’adaptation pastorale finit par évacuer, jusqu’à la faire juger incongrue, la question du contenu doctrinal qui norme toute action juste dans l’Eglise. Ceci a été particulièrement spectaculaire dans la nouvelle pédagogie catéchétique, dont l’échec est aujourd’hui patent. L’absence du souci de la continuité et de l’homogénéité finit par couper la théologie de ses sources normatives et par compromettre le cœur de la formation sacerdotale. Il aurait fallu au contraire intégrer un enrichissement scripturaire et patristique à la structuration spéculative apportée par la sagesse thomiste recommandée par le Concile.(7) Enfin les réformes liturgiques ont, dans l’espace de quelques courtes années, profondément modifié tous les rites, et ont imposé les changements sans guère demander son avis au peuple chrétien, et sans laisser subsister les formes anciennes. Ceci est frappant dans le cas de la Messe, dont la forme tridentine du Missel latin classique a été, sinon formellement abrogée, du moins pratiquement obrogée par l’imposition quasi-universelle du nouvel Ordo Missæ. (8)

 

b. L’évolution en cours

Cette situation a cependant évolué depuis une quinzaine d’années. La carence des catéchismes, signalée dès 1983 par le Cardinal Ratzinger, a trouvé un commencement de solution par la parution du Catéchisme de l’Église Catholique en 1992. Les grands documents pontificaux des dernières années, Veritatis splendor, Ordinatio sacerdotalis, Evangelium vitæ, Ad tuendam fidem, Fides et ratio, soulignent le caractère normatif du contenu de la foi, son harmonie avec les vérités naturelles, et l’importance de la continuité de la Tradition. Enfin, la crise de la liturgie est aujourd’hui reconnue au-delà des cercles traditionalistes(9), les abus font l’objet de certaines mises en garde, et la Messe tridentine, avec l’Indult de 1984 et le Motu proprio de 1988, commence à sortir de l’interdit de fait qui pesait sur elle.

Le 2 juillet 1988 paraît en effet le Motu proprio Ecclesia Dei.(10) Si l’occasion qui lui a donné naissance est la consécration, contre la volonté formelle du Pape, de quatre évêques par Mgr Marcel Lefebvre, cet acte pontifical dépasse largement ce seul problème. D’abord par son contenu : une méditation de grande ampleur sur la Tradition, dont il souligne le développement homogène et continu et le lien intérieur avec le magistère vivant (n. 4), et aussi une claire affirmation de " la légitimité (...) de la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat " (n. 5a). Ensuite par ses destinataires, qui sont non seulement " ceux qui ont été liés au mouvement issu de Mgr Lefebvre " (n. 5c), mais aussi " tous les fidèles catholiques, (...) les évêques " (n. 5a) (...) " les théologiens et experts " (n. 5b). Le Pape les invite tous à " réfléchir sincèrement sur la fidélité à la Tradition " et à " refuser toutes les interprétations erronées et les applications abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire " (n. 5a).

Cet acte du magistère, loin d’être purement de circonstance, s’inscrit dans le souci de réaffirmer la continuité qui marque particulièrement ces dernières années du Pontificat. L’espoir qui anime le Saint-Père, c’est de faire cesser la mentalité d’opposition dialectique qui rend impossible une lecture vraiment catholique de Vatican II, comme élément de " la doctrine de l’Eglise, héritière fidèle de la Tradition existant déjà depuis près de vingt siècles comme réalité vivante qui progresse " (11). C’est aussi de montrer qu’une réforme qui ne craint pas de laisser une certaine place dans l’Eglise aux " formes liturgiques et disciplinaires antérieures " (12) est digne de créance quand elle affirme sa continuité.

A l’appui de cette lecture d’Ecclesia Dei comme document dépassant les circonstances qui ont été à son origine, on peut remarquer que dans l’Audience du 26 octobre 1998, le Pape ne fait aucune référence à " l’acte schismatique " (13) des sacres du 30 juin 1988, pour expliquer comment " l’on doit lire et appliquer le Motu proprio Ecclesia Dei " (14).

 

2. Intentions spécifiques

a. Le texte de référence

C’est sur cette toile de fond que se détachent les actes fondateurs des instituts Ecclesia Dei (15). Existant depuis plusieurs années avant le Motu proprio, ou fondés dans sa prolongation, ils ont reçu leur statut canonique grâce (ou en référence) à lui. Les uns étaient érigés par la Commission Pontificale Ecclesia Dei en vertu des pouvoirs spéciaux reçus du Souverain Pontife(16), les autres recevaient d’elle des facultés liturgiques (17).

Dans tous les cas, le texte de référence qui éclaire les actes fondateurs est un passage d’Ecclesia Dei auquel renvoie le Rescrit du 18 octobre (n. 6a). Il concerne ceux qui " ayant eu des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre, désirent rester unis au successeur de Pierre dans l’Église catholique, en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques selon (iuxta) le Protocole signé le 5 mai précédent par le Cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre " (18). Deux éléments intègrent donc l’acte par lequel les fondateurs des instituts Ecclesia Dei ont demandé à l’Autorité ecclésiastique la reconnaissance canonique de leurs fondations :

- Vivre dans l’union au pape et donc dans la pleine communion hiérarchique de l’Eglise, avec toutes ses exigences et tous ses bienfaits ;

- Conserver le patrimoine de leurs traditions propres, et ceci selon les normes précises données par un texte désigné nommément.

Ces éléments, constitutifs du charisme fondateur de chacun des instituts, ont été reçus ou approuvés par l’Autorité : pour Le Barroux dans la Notification officielle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (19) du 25 juillet 1988 (qui fait référence explicitement à ce passage), pour les autres instituts dans les décrets d’érection, qui y renvoient implicitement en mentionnant que la Commission agit " en vertu des facultés spéciales qui lui ont été conférés par le Souverain Pontife Jean-Paul II " (20).

Dans la fondation d’un institut, il faut en effet prendre en compte les deux actuations qui interviennent.

D’une part, celle des fondateurs selon leur charisme. L’expression, employée par Paul VI (21), est reprise par Jean-Paul II : " Il est avant tout demandé d’être fidèle au charisme fondateur et au patrimoine spirituel constitué dans chaque institut " (22), et elle est utilisée par lui, tant dans le texte du Motu proprio qu’à l’Audience accordée pour le dixième anniversaire d’ Ecclesia Dei.

D’autre part, l’action de la hiérarchie, qui conformément au principe de subsidiarité, ne se substitue pas à la première, mais donne ou refuse la garantie d’authenticité : " D’une part [l’Esprit de Dieu] suscite directement l’activité des croyants en ouvrant des voies nouvelles et inédites à l’annonce de l’Evangile, de l’autre il rend leur œuvre authentique à travers l’intervention officielle de l’Eglise. " (23) Pour indiquer qu’il existe bien deux sujets d’action, Vatican II décrit " la fonction de la hiérarchie dans l’Eglise " par rapport aux règles " proposées " par les fondateurs par le verbe " recevoir (recipit) " (24).

Pour comprendre la portée des actes qui ont donné naissance aux instituts Ecclesia Dei, il est donc nécessaire de les référer à ces deux actions et aux intentions spécifiques (25) qu’elles manifestent. D’abord celle de l’autorité. Aux supérieurs des instituts Ecclesia Dei, les Cardinaux Ratzinger et Mayer, chargés par le Pape de ce dossier, ont durant l’été 1988 " proposé de la part du Saint-Père le Protocole signé le 5 mai et dénoncé dans la nuit du 5 au 6 mai " (26). Ensuite celle des fondateurs qui ont accepté cette proposition et soumis, selon cette norme précise, leurs projets de vie à l’approbation canonique.

 

b. L’intention de la hiérarchie

Quelle est donc cette norme selon laquelle les deux parties, chacune à son rang, se sont loyalement engagées ? Elle comporte une Déclaration doctrinale et des dispositions juridiques. La Déclaration est composée de cinq points :

- 1. Une profession de fidélité à l’Eglise catholique et au Pontife Romain.

- 2. L’acceptation de la doctrine de Lumen gentium n. 25 sur le magistère et l’adhésion qui lui est due.

- 3. L’engagement à une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, " à propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec la Tradition ".

- 4. La reconnaissance de la validité de la Messe et des Sacrements célébrés, avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise, selon les éditions typiques promulguées par Paul VI et Jean-Paul II.

- 5. La promesse du respect des lois disciplinaires de l’Eglise, spécialement celles du Code de droit canonique de 1983, " étant sauve la discipline concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière ".

Ce qui frappe dans ces conditions, c’est d’abord leur concision et leur adéquation à la théologie la plus classique. L’autorité considère comme catholique le baptisé qui, soumis à la Hiérarchie (n. 1), adhère à la doctrine catholique selon l’assentiment dû au magistère (n. 2), reconnait la validité des sacrements célébrés selon les rites approuvés (n. 4), et obéit aux lois de l’Eglise (n. 5). On retrouve en substance le canon 205 du Code de droit canonique : " Sont pleinement dans la communion de l’Eglise catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Eglise, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique. " (27)

On peut aussi noter que plusieurs de ces éléments se retrouvent dans la Profession de foi et le Serment de fidélité(28) que doivent prononcer ceux qui reçoivent une charge à exercer au nom de l’Eglise. L’incise finale du n. 5, " étant sauve la discipline particulière concédée à la Fraternité ", répond assez exactement au " étant sauves la nature et la fin de mon institut " du Serment de fidélité, et à l’exigence de " fidélité à la discipline de l’institut " du droit qui règle l’apostolat des membres des instituts de vie consacrée(29).

Dans cette déclaration doctrinale, on relève aussi une largeur d’esprit, qui, par rapport à l’attitude des autorités ecclésiastiques vis-à-vis des traditionalistes durant les vingt années précédentes, constitue une nouveauté. Que l’on considère par exemple les conditions imposées par Paul VI à Mgr Lefebvre comme préalables à toute réconciliation : acceptation sans aucune nuance du Concile " et de tous ses documents ", acceptation de " la totalité de l’enseignement " de Paul VI, et engagement " à adopter et à faire adopter, dans les maisons qui dépendent de [Mgr Lefebvre], le Missel que [Paul VI] a lui-même promulgué "(30). Dans un esprit tout différent, la Déclaration doctrinale, conformément aux recommandations de Vatican II, applique " au sein même de l’Eglise ", l’adage " unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité " (31), qui est l’un des principes directeurs de l’œcuménisme catholique(32).

Une difficulté, dont le principe même semblait écarté jusqu’ici, se trouve prise en compte, pour la première fois, dans toute son ampleur : celle de concilier certains points du Concile et des réformes postérieures avec la Tradition (n. 3). Dans le Motu proprio, Jean-Paul II indiquera un fondement objectif de cette difficulté, en évoquant " ces points de doctrine, qui peut-être à cause de leur nouveauté (cum fortasse novæ sint), n’ont pas été bien compris par certaines parties de l’Eglise " (n. 5b). Sur ces points, étant évidemment sauvegardée l’attitude due à un texte du magistère (cf. n. 2), il est demandé, non une réception sans nuances qui traiterait par prétérition les déficiences qui peuvent se rencontrer même dans un texte magistériel(33), mais " une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège Apostolique, en évitant toute polémique ". On trouve ici l’ouverture qui est manifestée par le magistère dans le dialogue avec le théologien : " Si, en dépit d’effort loyaux, les difficultés persistent, c’est un devoir pour le théologien de faire connaître aux autorités magistérielles les problèmes que soulève un enseignement en lui-même, dans les justifications qui en sont proposées ou encore dans la manière selon lequel il est présenté ". En demandant d’éviter toute polémique, on entend donc écarter seulement " cette attitude publique d’opposition au magistère de l’Eglise, appelée encore " dissentiment " " (34).

Un point a été décisif dans la conclusion de l’accord. Il concerne les nouveaux rituels de la Messe et des sacrements. La Déclaration doctrinale n’exige plus leur utilisation habituelle ou ponctuelle, mais la reconnaissance de leur validité lorsqu’ils sont " célébrés (...) selon les rites indiqués dans les éditions typiques " (n. 4). Il était de notoriété publique que, pour Mgr Lefebvre, la réforme liturgique comportait des aspects qui lui paraissaient " difficilement conciliables avec la Tradition ". Eviter la polémique, reconnaître la validité du Novus Ordo dans les textes officiels latins, communiquer avec le Saint-Siège sur les difficultés, voilà ce qui lui était demandé, en conformité avec la théologie classique de l’assistance du Saint-Esprit aux lois universelles de l’Église, qui garantit au moins la validité et la non-hétérodoxie, mais ne préserve pas nécessairement de toute déficience(35).

La " discipline spéciale concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière " (n. 5) garantissait par ailleurs l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962. Il est absolument capital de mesurer que c’est cette disposition qui a rendu possible l’accord sur le Protocole, puis l’érection des instituts Ecclesia Dei. Supposer qu’il s’agisse là d’une manœuvre habile, que le Saint-Siège envisageait de contraindre par la suite le signataire, et ceux qui accepteraient après lui ce Protocole, à la célébration au moins occasionnelle des rites qui leur faisaient justement difficulté, c’est lui imputer de manquer à la transparence des intentions et à la sincérité qui caractérisent tout dialogue dans l’esprit de l’Eglise. " Les caractéristiques du dialogue sont : la clarté avant tout, (...) la douceur, (...) la confiance (...) la prudence ; (...) le climat du dialogue, c’est l’amitié " (36). Imaginer en outre qu’une telle déloyauté serait reprise par le Motu proprio (qui est un acte solennel du magistère) lorsqu’il se réfère au Protocole, est encore plus invraisemblable.

L’intention spécifique de l’Autorité qui a érigé les instituts Ecclesia Dei, telle qu’elle est objectivement manifestée par les textes et les actes de l’été 1988, est donc, en imposant ce qui est strictement " nécessaire à l’unité, de respecter la juste liberté tant dans les formes variées de vie spirituelle et de discipline, que dans la variété des rites liturgiques " (37). Le Saint-Père a fait lui-même l’application à ce cas singulier du passage de Vatican II (38) qui affirme que " l’Eglise, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique " (39).

 

c. L’intention des fondateurs

L’intention spécifique des fondateurs des instituts Ecclesia Dei n’est pas moins incontestable. Tous souhaitaient vivre dans la pleine communion ecclésiale leur projet de vie religieuse ou apostolique, en conservant ces disciplines, ces pédagogies, ces rituels traditionnels auxquels toute leur respiration spirituelle se trouve attachée, et en s’abstenant de ceux qui précisément leur faisaient difficulté depuis presque vingt ans. Ils auraient refusé une concession explicitement temporaire ou une formule biritualiste, conscients en outre de l’échec de toutes les tentatives antérieures de ce type (Séminaires du Leonianum, et de Mater Ecclesiæ à Rome). Les fondateurs des Fraternités Saint-Pierre et Saint-Vincent-Ferrier, début juillet à Rome, s’en expliquaient d’ailleurs loyalement avec les Cardinaux Ratzinger et Mayer qui régularisèrent leur situation canonique et leur délivrèrent des autorisations de célébrer (celebrets) selon le rite traditionnel. Dans un texte signé par eux et les fondateurs de l’Opus Mariæ, et remis à Mgr Perl, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, ils incluaient cette condition du monoritualisme traditionnel(40).

Les Constitutions de ces deux Fraternités comportent d’ailleurs une disposition en ce sens. " La fin particulière de la Fraternité Saint-Pierre est de réaliser ce but [la sanctification des prêtres] par l’observance fidèle des "traditions liturgiques et spirituelles" conformément aux dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, qui est à l’origine de sa fondation " (41). " Dans la célébration de la Sainte Messe et de l’office divin, les membres de la Fraternité [Saint-Vincent-Ferrier] sont tenus d’utiliser leurs livres liturgiques propres et approuvés, selon la norme du Décret d’érection de la Fraternité" (42).

Dom Gérard, fondateur de l’Abbaye du Barroux, déclarait de son côté: " Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme, sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de l’Église) nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement " (43). Les " Déclarations " de l’Abbaye précisent que " la liturgie de la Messe [et de l’Office divin], célébrée selon les rites plus que millénaires de la Sainte Eglise Romaine, dans la langue latine " est l’une des " deux sources qui ont donné naissance à la communauté du Barroux et qui constituent sa raison d’exister (rationem eius existentiæ constituunt) " (44).

Le monoritualisme traditionnel est bien l’un des éléments de cet " esprit des fondateurs et de leurs intentions spécifiques (propriaque proposita) " que Vatican II demande de " mettre en pleine lumière et de maintenir fidèlement " (45). L’autorité dans l’Eglise considère comme l’un de ses devoirs de " veiller, pour sa part, à ce que les instituts croissent et fleurissent selon l’esprit des fondateurs et leurs saines traditions " (46). Le projet de vie des fondateurs ne se réduit évidemment pas à cet aspect. Il inclut surtout le patrimoine de spiritualité propre à chacun des instituts. Il comporte la détermination à tirer toutes les conséquences de la pleine communion ecclésiale, selon les indications des cinq points de la Déclaration doctrinale du Protocole, à refuser toute tricherie disciplinaire, à cultiver la transparence vis-à-vis des autorités, la vigilance contre l’esprit d’amertume ou le séparatisme, les échanges effectifs avec les autres secteurs de l’Eglise.

Mais l’érection canonique d’instituts comportant cette intention fondatrice traduit dans les faits, de façon convaincante, la promesse du Saint-Siège dans sa Note d’information du 16 juin 1988 (47). On pouvait y lire en conclusion " un pressant appel aux membres de la Fraternité [Saint-Pie-X] et aux fidèles qui lui sont liés, pour qu’ils reconsidèrent leur position et veuillent rester unis au Vicaire du Christ, en les assurant que toutes les mesures seront prises pour garantir le respect de leur identité dans la pleine communion de l’Eglise catholique ".

 

3. Jugements prudentiels

a. Un acte prudentiel normatif

Il faut maintenant préciser la nature exacte d’un acte fondateur. Comme son nom l’indique, il relève de l’agir moral, et il engage l’avenir. C’est donc un acte prudentiel au sens thomiste du mot(48), qui est normatif d’autres actes ultérieurement posés dans sa prolongation.

Comme acte prudentiel, il intègre un ensemble varié de données complexes, qui entrent dans la délibération de l’intelligence pratique et guident le jugement moral qui la clôt. Ce n’est pas un discours spéculatif qui analyse dans l’abstrait, une démonstration où tous les éléments prétendraient à la nécessité apodictique et à l’universalité.

La fondation d’instituts attachés au service des formes disciplinaires, liturgiques, apostoliques et spirituelles de la tradition latine (49) dans le contexte de la crise ecclésiale, à la suite de la rupture des sacres du 30 juin 1988, est un acte prudentiel. Faire cela dans une intention fondatrice comportant le monoritualisme traditionnel, adhérer à ces instituts par la profession ou l’engagement : tous ces actes sont des jugements prudentiels.

 

b. Les considérants du jugement

Ces jugements sont éclairés par les principes nécessaires de la théologie de l’Eglise et des sacrements. Ils mettent en œuvre ces principes au sein d’une matière mouvante où il s’agit souvent plus de convenances, d’inconvénients et de dangers probables que de nécessités absolues. Des analyses marquées d’une part de contingence seront faites sur les divers aspects de la crise de l’Eglise, notamment les trois signalés plus haut (théologie, catéchèse, liturgie). Des considérations de justice naturelle et de loyauté humaine interviendront vis-à-vis des prêtres, religieux, séminaristes, fidèles, qui ont fait confiance aux fondateurs et les ont suivis dans cette voie, souvent au prix de grands sacrifices. Des appréciations d’efficacité apostolique entreront en ligne de compte : un enracinement profond dans une identité nette est nécessaire pour mener une action hardie et novatrice dans le cadre de la nouvelle évangélisation. Le souci de la stabilité des formes de la vie quotidienne jouera . La paix et l’unité qu’assurent les formes traditionnelles, comparées au caractère évolutif et à la variété des pratiques issues de la réforme, seront prises en compte. Des préoccupations " œcuméniques " légitimes seront présentes, à l’égard de ceux de nos frères qui ont été entraînés dans une dissidence qui se prolonge, mais qui souffrent parfois profondément de cette séparation.

L’un des éléments fondamentaux qui intervient dans la délibération du jugement prudentiel concerne les difficultés que présente pour nous la réforme liturgique, et qui sont prises en compte par le Protocole d’accord du 5 mai(50). Dans le cadre de cet article, nous ne pouvons que renvoyer à certaines études sérieuses, même si plusieurs de leurs analyses ou conclusions demanderaient à être complétées, ou parfois corrigées(51). Les difficultés présentées dans ces travaux touchent à l’expression de la théologie de la messe(52), notamment sur sa réalité de sacrifice propitiatoire, sur le rôle joué par la présence réelle dans l’économie du sacrifice, sur la place respective du prêtre et de l’assemblée.

D’autres études analysent les graves déficiences de certaines traductions en langue vernaculaire, comme celle du Père Renié(53). D’autres enfin soulignent le caractère polymorphe et évolutif de la réforme, qui, de l’aveu de son principal maître d’œuvre, Mgr Annibal Bugnini, comprend aussi les étapes " de l’adaptation (ou incarnation) de la forme romaine de la liturgie dans les usages et dans les mentalités de chaque Eglise (...) et de chacune des assemblées en prière " (54). Selon l’" attitude positive d’étude et de communication " que demande le Protocole, un véritable dialogue avec le Saint-Siège et les évêques sur ces divers problèmes serait hautement souhaitable.

Le choix normatif du monoritualisme pour les actes fondateurs est un choix pratique qui doit intégrer tous les éléments. Il ne s’agit pas de faire une étude académique sur tel ou tel aspect de la réforme. Il s’agit de constater que dans l’esprit de ses initiateurs et dans la réalité ecclésiale quotidienne, elle forme un tout, d’ailleurs encore évolutif. Il est extrêment difficile (sauf pour quelques abbayes ou quelques prêtres isolés) de dissocier une partie de ce tout. Par exemple d’utiliser seulement la Prex Eucharistica Ia (la plus proche de l’ancien canon romain). Il est aussi presqu’impossible de refuser la dynamique interne du mouvement, sans entraîner de graves tensions avec les confrères, voire des rappels à l’ordre des évêques(55).

Dans le cadre du droit liturgique issu de la réforme, un institut pourrait-il statutairement imposer à ses membres la forme la plus traditionnelle de la réforme liturgique et leur refuser les nombreuses possibilités ad libitum qu’elle offre ? La réponse semble plutôt négative. En tous cas, l’exemple des membres de certaines communautés canoniales ou apostoliques qui célèbrent selon l’Ordo de Paul VI, est parlant. Malgré leur nette préférence pour le rit latin orienté et la communion sous sa forme traditionnelle, ils se voient amenés à célébrer à peu près comme le reste du presbyterium des diocèses où ils sont accueillis, c’est-à-dire en vernaculaire, face au peuple et avec la communion donnée dans la main.

 

c. Un acte normatif pour nos seuls instituts

Le choix du monoritualisme traditionnel comme normatif pour les instituts Ecclesia Dei, est un acte qui engage, il importe de le souligner, ces seuls instituts et ceux qui y entrent. Ce n’est nullement une condamnation des autres choix possibles dans la communion ecclésiale, ou une réprobation de ceux qui s’engagent sur d’autres voies. Certains, dans le clergé ou les fidèles, se méprennent malheureusement sur ce point. Une meilleure communication doit être mise en œuvre pour les éclairer. Des membres des instituts Ecclesia Dei ont pu par leur paroles ou leurs attitudes accréditer l’idée contraire. Cette façon de faire, blessant la charité, ne peut qu’être désavouée par les Supérieurs et demande instamment à être redressée. Enfin un esprit séparatiste a pu être exprimé par certains des fidèles qui font confiance à nos instituts mais sont blessés par un passé douloureux, ou lassés de voir leurs demandes légitimes laissées sans réponse. Nous avons à faire tout notre possible pour les rappeler au sens de l’Eglise (sentire cum Ecclesia) (56), tout en suppliant respectueusement les Pasteurs de les considérer, eux aussi, comme des brebis du troupeau que le Christ leur a confié.

Les actes fondateurs par ailleurs engagent l’avenir, autant qu’il est possible évidemment dans les choses humaines. Un décret d’érection peut être annulé par l’autorité à cause de la disparition de l’objet de l’institut, du manque de sujets, ou pour une faute grave contre la foi ou la discipline. Mais il est de soi permanent. Des Constitutions peuvent être modifiées (avec l’approbation du Saint-Siège) par un Chapitre général, mais l’expérience montre que toucher à ce qui constitue ou protège directement le patrimoine de l’institut est le prélude habituel des catastrophes, comme on l’a constaté dans plusieurs des Chapitres " de rénovation " de 1968. Car selon l’adage philosophique, " les choses se conservent dans l’être par les mêmes causes qui leur ont donné naissance " (57).

Enfin, chacun adhère librement aux divers éléments du patrimoine de l’institut. Le devoir des formateurs est de les exposer loyalement. Le devoir des candidats est de discerner si leur propre vocation y correspond, et de se déterminer dans la clarté avant l’engagement définitif. Sur un point de cette importance, un engagement loyal à respecter les intentions fondatrices et à obéir selon la spécification des Constitutions est indispensable(58). Mais cette " obéissance de jugement " (59) qui demanderait une adhésion interne au bien-fondé de toutes les orientations, n’est nullement requise. En revanche, sont nécessaires le respect des exigences d’unité et de charité fraternelles de l’institut, la docilité envers les Supérieurs et la sagesse qui prend en compte la grande difficultés de temps de fondation, accrue par l’instabilité de l’époque moderne.

 

4. Charisme propre et " gestes d’unité "

a. L’invitation du Pape

" Selon l’esprit de conversion de la lettre apostolique Tertio millenio adveniente (60), j’exhorte tous les catholiques à faire des gestes d’unité et à renouveler leur adhésion à l’Eglise, pour que la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres, mais les poussent à annoncer ensemble l’Evangile ; ainsi, stimulés par l’Esprit qui fait concourir tous les charismes à l’unité, tous pourront glorifier le Seigneur et le salut sera proclamé à toutes les nations. " (61)

En recevant les pèlerins venus à Rome pour le dixième anniversaire d’Ecclesia Dei, le Saint-Père est revenu sur un thème qui lui est cher. Plusieurs idées s’articulent ici :

- la diversité des charismes et même des sensibilités est légitime ;

- tous sont invités à poser des gestes d’unité, afin que la diversité ne nuise pas à l’unité,

- mais contribue à l’efficacité du témoignage apostolique.

On retrouve ici une idée très traditionnelle, peut-être un peu perdue de vue au XIXe et XXe siècles sous la pression de l’hostilité du monde à l’Eglise, qui a dû réagir par une centralisation légitime en soi mais non indemne du péril d’uniformisation. Cette idée, c’est qu’une saine diversité " représente une richesse " (62).

 

b. Le caractère propre

En ce qui concerne la vie religieuse et apostolique, cela se traduit par le principe que les divers instituts, comme les diocèses d’ailleurs, ne sont pas simplement des départements administrés d’en-haut, tirant toute leur substance de l’action hiérarchique. Ce sont " des familles diverses dont le capital profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de tout le Corps du Christ ". C’est pourquoi " l’Eglise défend et soutient le caractère propre de chaque institut " (63).

Le magistère récent est conscient de l’importance de ce caractère propre dans le contexte actuel. " En cette période d’évolution culturelle et de rénovation ecclésiale, il est nécessaire que soit sauvegardée l’identité de chaque institut avec une assurance telle que soit évité le péril d’une situation insuffisamment définie, dans laquelle les religieux s’inséreraient dans la vie de l’Eglise d’une manière vague et ambiguë, s’ils ne se référaient pas de la façon requise au mode spécifique découlant de leur caractère propre (indolis proprii) " (64).

Dans cette ligne, le Code de droit canonique, à la suite de Vatican II, insiste sur la " juste autonomie " (65) dont doit jouir chaque institut, et que les Ordinaires des lieux ont le devoir " de sauvegarder et de protéger (servare ac tueri) " (66). Il est donc juste que les manifestations concrètes de l’unité ecclésiale soient en conformité avec ce que le Code appelle " le droit propre " des instituts. Depuis une trentaine d’années, l’importance de ce droit est mieux mise en lumière. C’est ainsi que le P. Beyer, s.j., spécialiste reconnu de la vie consacrée, écrit à son sujet : " Les autorités ecclésiales n’ont pas à le modifier, le limiter ou l’enfermer dans une autonomie "interne" qui empêcherait son témoignage et son plein rayonnement." (67)

 

c. Le sens du bien commun

D’un autre côté, cette diversité doit concourir à l’unité, et cela doit se traduire concrètement. On rencontre ici une difficulté : comment concilier légitime diversité et unité ecclésiale ? Il faut reconnaître que la perte profonde du sens du bien commun qui marque la crise de la modernité, avec l’affirmation toujours plus impérieuse des droits de l’individu et l’absence grandissante de valeurs communément partagées, constitue un sérieux obstacle. Dans le cas de l’Eglise, cette situation s’est traduite (et a été favorisée) par l’abandon pratique des grands signes et des grands véhicules de l’universalité : la langue sacrée dans le patriarcat latin, la formation des clercs selon des pédagogies communes (avec les renouveaux biblique et thomiste), le respect des normes liturgiques et canoniques, qui avaient caractérisé les pontificats modernes héritiers de l’esprit classique, de Léon XIII à Pie XII.

La manifestation de l’unité doit intégrer cette réalité actuelle de l’effacement de références communes capables d’incarner la catholicité de l’Eglise et de soutenir le sens du primat du bien commun. Plaquer artificiellement les exigences correspondant à des temps de grande unité culturelle, liturgique et théologique sur une situation qui est à l’opposé, ce serait retomber dans un formalisme dont précisément les promoteurs des réformes voulaient nous délivrer. Ce serait entrer en contradiction interne avec l’inculturation souhaitée par beaucoup de théologiens, et dans une certaine mesure par le magistère lui-même. On peut aussi affirmer que ce serait sortir de la ligne générale des réformes postconciliaires. Ces dernières sont marquées par une polymorphie liturgique, une souplesse juridique, un certain pluralisme théologique qui rendent incongrue l’imposition autoritaire de signes uniformes de la communion.

La diminution des référents communs a favorisé ces dernières années le développement d’un langage particulier, une sorte de " langue de bois ecclésiastique ", qui semble avoir pour origine le désir d’éviter toute affirmation trop nette, dans le but de ne pas heurter. Dans ce contexte, le langage direct et explicite du Pape lorsqu’il s’adresse au monde et à la jeunesse est ressenti comme une véritable libération. " N’ayons pas peur de dire clairement la vérité ", nous dit-il en quelque sorte. Le premier effort pour retisser l’unité nous semble bien être celui de la clarté, et notamment sur les conditions de l’appartenance ecclésiale et sur la notion de communion. " On ne peut pas soutenir un concept de communion selon lequel la valeur pastorale suprême consiste à éviter les conflits " (68).

 

d. Notre contribution

Sur ce point, les instituts Ecclesia Dei peuvent apporter aussi leur contribution. S’ils savent rester à leur place, faisant mentir, par leur attitude respectueuse et ouverte, l’accusation de constituer une " Eglise de fait ", ils peuvent être les témoins de certaines formes traditionnelles, qui faisaient autrefois le tissu commun de la culture ecclésiale et qui, actualisées selon les besoins présents, peuvent fournir (avec d’autres) des points de repère utiles.

Dans le domaine de la théologie, l’existence de leurs centres d’études thomistes peut être d’un grand prix à l’heure où le magistère invite à redécouvrir une " philosophie de l’être " (69). Leur participation à des revues philosophiques et théologiques, à des rencontres avec d’autres écoles, à des échanges d’intervenants avec les centres de formation des diocèses et les instituts d’autres traditions, à des congrès, leur insertion dans des centres d’enseignement civils et ecclésiastiques, notamment les Facultés canoniques, ne seraient-elles pas des " signes d’unité " possibles ? Il y faudra sans doute " un esprit de conversion " : de leur côté par un intérêt accru pour la recherche et les débats contradictoires, de l’autre par une meilleure ouverture à leur école de pensée, que d’ailleurs commencent à redécouvrir certains secteurs profanes(70).

Dans le domaine de la catéchèse, sur la base du Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’un des " signes d’unité " ne pourrait-il être, comme cela se fait déjà dans quelques diocèses, de confier à des membres de ces instituts et à des fidèles proches, moyennant les échanges nécessaires pour s’assurer qu’ils ont les qualités morales et doctrinales requises, une part dans la catéchèse des adultes, la formation permanente, la préparation au mariage, l’accompagnement des foyers chrétiens ?

Enfin, dans le domaine de la liturgie, qui est le plus sensible, il serait souhaitable que l’on se mette d’accord calmement sur des signes de communion qui soient suffisamment explicites, sans couvrir les réels problèmes qui demeurent ni violenter les consciences. On n’obtient rien de durable en feignant d’ignorer les difficultés ou en forçant les personnes. Dans une saine anthropologie, le geste doit d’abord être vrai pour être signifiant. Sinon, il contribue à la confusion, favorise l’hypocrisie, et risque d’engendrer ce que les psychologues appellent des " retours du refoulé ".

 

e. Les signes de communion

Les instituts Ecclesia Dei ont en partage " des formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine " (71). Les signes de communion doivent pour eux s’inscrire dans cette tradition. Or, traditionnellement, le signe indubitable que l’on reconnaît la validité d’un rit de la Messe, et que l’on est en communion catholique avec celui qui le célèbre, c’est l’assistance à cette Messe et la réception de la communion dans sa célébration. Nous proposons donc ce geste d’unité, qui suffit au regard de la théologie de l’Eglise et de la nature des signes sacramentels. Affirmer qu’un prêtre qui assiste à une messe et y communie revêtu de la tenue de chœur et de l’étole n’y " participe " pas (ou du moins pas assez pour en reconnaître la validité et la non-hétérodoxie), c’est vraiment faire peu de cas de l’Histoire de la liturgie et manifester une conception bien cléricale de la participation au sacrifice de la messe ! Si la communion sacramentelle, avec les insignes de son ordre, ne manifeste pas que le prêtre est en communion ecclésiale, il y a vraiment un problème(72).

Faut-il ici davantage, à tout prix ? Faut-il imposer, comme le souhaitent certains évêques, la concélébration sacramentelle selon le rit réformé aux prêtres ou au moins aux Supérieurs des instituts Ecclesia Dei, à la Messe chrismale et aux grands rassemblements diocésains ? Une telle formule ne pourrait se réclamer que d’une conception sans fondement théologique : celle qui fait de la concélébration sacramentelle, non seulement une " manifestation opportune de l’unité du sacerdoce " (73), mais l’unique signe de la communion ecclésiale. Elle s’opposerait explicitement au droit universel(74), qui laisse aux prêtres la liberté en ce domaine. En outre, elle constituerait une dénégation, sur un point crucial, des engagements pris par la hiérarchie à l’été 1988 vis-à-vis des prêtres qui ont refusé le schisme. Cette solution paraît donc impensable.

On peut envisager cependant que, dans l’espoir de débloquer une situation tendue, on exige des Supérieurs qu’ils laissent aux membres prêtres de leurs instituts toute liberté sur ce point. Cette formule soulèverait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Nous ne pensons pas qu’elle soit raisonnable, ni conforme au principe de subsidiarité. Il faudrait pour cela oublier l’une des caractéristiques fondatrices des instituts Ecclesia Dei, le monoritualisme traditionnel. Il faudrait ne tenir aucun compte des difficultés par rapport à la réforme liturgique qui sont l’élément décisif de ce choix fondateur. Cette solution s’opposerait par ailleurs au droit propre des instituts qui ont légiféré sur l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962(75). Elle réduirait indûment la responsabilité et l’autorité des Supérieurs(76), mettrait en péril le gouvernement, l’unité et même la pérennité des instituts Ecclesia Dei. Elle introduirait, contrairement à " l’utilité des fidèles " mentionnée par le canon 902, de graves germes de division parmi les fidèles qui ont fait confiance à ces instituts. Enfin elle réduirait à rien la crédibilité d’Ecclesia Dei comme alternative à la dissidence lefebvriste.

Pour les instituts à vocation apostolique, s’engager dans une telle voie signifierait accepter en pratique et en droit le biritualisme. Il est frappant de constater que les demandes qui sont faites en faveur de la concélébration s’accompagnent ici ou là de suggestions en ce sens, voire même de l’affirmation surprenante que les prêtres des instituts Ecclesia Dei ne sont pas plus liés à l’une des " formes du missel romain " (celle de 1962 ou celle de 1969) qu’à une autre. Quant à ceux qui veulent effacer les " survivances " du rit traditionnel, ils ne se satisferont pas de gestes symboliques occasionnels. D’ailleurs, au nom de quoi les instituts voués à l’apostolat déclineraient-ils la proposition de ministères comportant la célébration du nouveau rit, dès lors que elle est acceptée dans son principe par le biais de la concélébration ? Cela conduirait à une division interne et externe des instituts Ecclesia Dei, d’une diminution de leur recrutement, du découragement et de la dispersion de fidèles qui ont fait confiance au Saint-Siège en 1988. Cela serait payer de beaucoup de désordres et de divisions ce qui doit être un geste de paix et d’union !

La solution que nous proposons, en harmonie avec le droit ancien et actuel de l’Eglise, nous paraît plus sage parce que plus vraie. Il serait peu honnête vis-à-vis des autres et de nous-mêmes de poser publiquement un acte accréditant l’idée que la réforme liturgique ne nous pose plus de problèmes. Notre attitude doit intégrer cette dimension d’un témoignage, dans le respect de la hiérarchie et de toutes les personnes qui ne partagent pas notre jugement.

Sans doute un tel témoignage est-il crucifiant, source d’incompréhensions, de difficultés et même de certains retards apportés à notre mission évangélisatrice. Mais nous pensons que ce témoignage est nécessaire et constitue une interpellation utile pour inciter à examiner et dépasser des problèmes qui ne se résoudront pas en les ignorant. Le service que nous pouvons rendre à l’unité ecclésiale ne peut que se situer dans la vérité. " Un projet d’unité ecclésiale dans lequel le durcissement des conflits serait d’emblée évité au nom d’une paix artificielle, en renonçant à la totalité du témoignage, se révélerait bien vite illusoire " (77).

Ce n’est d’ailleurs pas la première ni la dernière fois dans l’histoire de l’Eglise que des crises internes, où les deux parties peuvent être également de bonne foi et animées par la charité, suscitent des épreuves qui les purifient et les authentifient, selon " la constante historique de la liaison entre le charisme et la Croix " (78). Qui sait dans quelle mesure le sacrifice du support de ces tensions actuelles dans la coexistence des deux rites, ne prépare pas pour l’avenir la paix liturgique que désirent tant de prêtres et de fidèles ?

C’est donc dans un authentique " esprit de conversion " que nous proposons cette solution d’assistance et de communion sacramentelle à un rit qui nous pose de réels problèmes. Ce " geste d’unité " peut être vécu dans le même esprit par l’évêque du lieu et le presbyterium diocésain, qui pourront avoir à cœur de respecter attentivement les normes de la célébration, et d’éviter ce jour-là les formules ad libitum les plus éloignées de l’usage traditionnel.

N’oublions pas que le but de ces signes d’unité est de permettre à l’Eglise d’affronter dans de meilleures conditions la tâche plus urgente que jamais de l’évangélisation. En face d’un monde culturellement éclaté, la largeur d’esprit de l’Eglise, " la variété des rites liturgiques et même de l’élaboration théologique de la vérité révélée ", au sein de la même foi et de la même charité, n’est pas un handicap ou un scandale. Au contraire, elle " manifeste plus pleinement la véritable catholicité et apostolicité de l’Eglise " (79). N’est-ce pas le sens même de l’invitation du Saint-Père le 26 octobre dernier aux pèlerins d’Ecclesia Dei et " à tous les catholiques " ?

Fr. Louis-Marie de Blignières

 

Notes

1. La Documentation Catholique, (noté D. C. dans la suite de l’article), n° 2193, p. 1013.

2. Ibid., p. 1012.

3. Jean XXIII, Discours d’ouverture du Concile, 11 octobre 1962, (D. C., n° 1387, col. 1379). Le Pape ajoutait : " Autre chose est en effet le dépôt de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans la doctrine sacrée, autre chose la manière d’exprimer ces vérités en gardant toutefois leur sens et leur acception ". Pour écarter le relativisme dogmatique qui prétendait trouver un point d’appui dans cette distinction, la Déclaration Mysterium Ecclesiæ de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 24 juin 1973 (n 4) dut préciser : " Il est clair que [le Pape] reconnaît un sens des dogmes, discernable par nous, vrai et immuable. La nouveauté que par ailleurs il recommande, compte tenu des exigences de notre temps, concerne la manière d’étudier, d’exposer et d’énoncer cette doctrine avec son sens permanent ", D. C., n° 1636, p. 688).

4. Encycliques Mysterium fidei du 3 septembre 1965, Sacerdotalis cœlibatus du 24 juin 1967, et Humanæ vitæ du 25 juillet 1968, Profession de foi du 29 juin 1968.

5. Ma vie, souvenirs, 1927-1977, Paris, 1998, p. 135.

6. Jean-Paul II, Audience du 26 octobre 1998, (D. C., n° 2193, p. 1012).

7. Cf. Décret sur la formation des prêtres Optatam Totius, n. 16 et Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum Educationis, n. 10 (Cf. aussi Can. 252 § 3).

8. L’obrogation est la " suppression ou abrogation indirecte d’une loi par une loi postérieure contraire et de même degré ".

9. Cf. par exemple les articles du Cardinal Decourtray, Bulletin diocésain Eglise à Lyon, 23 avril 1992 ; du Cardinal Danneels, " Comment entrons-nous dans la liturgie ", D. C., n° 2132, pp. 172-175 ; de Mgr Léonard, Pâque Nouvelle 99/1, pp. 22-28.

10. D. C., n° 1967, pp. 788-789. La Pensée Catholique donne le texte latin et la traduction francaise en son n° 236, pp. 16-21.

11. Audience du 26 octobre 1998, D. C., n° 2193, p. 1012.

12. Ecclesia Dei, n. 5c.

13. Ecclesia Dei, n. 3.

14. D. C., n° 2193, p. 1012.

15. Nous nous limitons ici aux instituts masculins.

16. Rescriptum ex audientia, 18 octobre 1988, n. 3a et 4, (Acta Apostolicæ Sedis, tome 82 (1990), p. 533).

17. Ibid., n. 1.

18. " Le protocole d’accord entre le Vatican et Mgr Lefebvre " est reproduit sous ce titre dans D. C., n° 1966, pp. 734-736.

19. Protocole CDF 75/83.

20. Vigore facultatum (ou : vi specialium facultatum) sibi a Summo Pontifice Ioanne Paulo II tributarum (Décrets d’érection des Fraternités Saint-Pierre et Saint-Vincent-Ferrier, 18 et 28 octobre 1988).

21. Exhortation apostolique Evangelica testificatio, 29 juin 1971, n. 11. Le sens moderne du mot charisme est plus large que son acception stricte : les dons énumérés par saint Paul comme les miracles et les prophéties (1 Co 12, 7-11) donnés à quelques-uns en vue de l’utilité de l’Eglise, en opposition avec la grâce sanctifiante qui unit la personne à Dieu.

22. Exhortation apostolique Vita consecrata, 25 mars 1996, n. 36.

23. Jean-Paul II, Audience du 5 août 1998, D. C., 2188, p. 765.

24. Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium n. 45a, où il est précisé que l’Autorité garde le pouvoir de faire une mise au point plus parfaite avant de donner l’approbation authentique (ulterius ordinatas authentice approbat).

25. Il s’agit de l’intention objectivement manifestée par des textes et des actes. Cette intention n’est pas nécessairement exclusive de désirs ou de souhaits touchant une future évolution des dispositions des interlocuteurs. Cependant seul ce qui est objectivement signifié par les écrits, les paroles ou les actes avec leur contexte peut servir de clé interprétative.

26. Déclaration de Dom Gérard, Prieur du Barroux, (Cf. Journal Présent du 18 août 1988).

27. L’union par les liens des sacrements est compatible avec la diversité rituelle de leur célébration, comme le prouve l’existence des divers rites orientaux catholiques.

28. Professio fidei et Jusjurandum fidelitatis, entrés en vigueur le 1er mars 1989 (D. C., n° 1982, pp. 378-379).

29. Can. 678 § 2.

30. Lettre de Mgr Benelli, 21 avril 1976 (publiée in Itinéraires hors-série, avril 1977, pp. 102-105).

31. Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 92 : in necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas.

32. Décret sur l’œcuménisme Unitatis Redintegratio, n. 4.

33. Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Mysterium Ecclesiæ du 24 juin 1973, n. 5, et Instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, 24 mai 1990, n. 24.

34. Instruction ..., n. 30 et 32.

35. Nous parlons ici des lois officiellement approuvées pour l’Eglise universelle. Les traductions, adaptations, permissions particulières, si nombreuses dans la réforme liturgique, ne sauraient se prévaloir de la même façon de cette thèse théologique. L’abandon pratique de la norme universelle latine porte là des conséquences dont il faut prendre acte.

36. Paul VI, Encyclique Ecclesiam suam du 6 août 1964, n. 77 et 81.

37. Décret sur l’œcuménisme Unitatis Redintegratio, n. 4.

38. Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 37.

39. Discours aux moines du Barroux, 28 septembre 1990 (cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIII, 2 (1990), pp. 761-762).

40. Reprise du Protocole d’accord, Rome-Fontgombault, 6-15 juillet 1988.

41. Constitutions de la Fraternité Saint-Pierre, n. 8.

42. Constitutions de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, n. 24. Les livres liturgiques sont indiqués au n. 4 du Décret : " Missel et bréviaire dominicains, Pontifical et Rituel romains, dont l’usage était en vigueur en 1962 ".

43. Journal Présent du 18 août 1988.

44. Prologue, n. 1, Livre blanc 1970-1990, au 16 mars 1989.

45. Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse Perfectæ caritatis, n. 2b.

46. Code de droit canonique, can. 576. Cf. Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n. 45a.

47. D. C., n° 1966, pp. 737-739.

48. " Acte prudentiel " ne signifie pas, comme on le croit souvent, un choix opportuniste, concernant des actes de qualification morale indifférente, dicté par l’habileté pour atteindre une fin donnée. Il indique que c’est la vertu cardinale de prudence qui joue le rôle central dans la composition des divers devoirs en présence. Elle règle le juste milieu conforme à la raison dans l’exercice de toutes les vertus en cause.

49. Tous ces termes figurent dans le Motu proprio (nn. 5a et c, 6a, b et c).

50. Déclaration doctrinale, n. 3.

51. Un groupe de théologiens, " L’Ordo Missæ " in La Pensée catholique, n° 122, pp. 7-43 ; Cardinaux Ottaviani et Bacci, Bref examen critique du Novus Ordo Missæ, (Itinéraires, Supplément au n° 141, mars 1970) ; " Le saint sacrifice de la messe " in Itinéraires, n° 146 ; Philippe de la Trinité, " L’offertoire du nouvel ordo missæ ", in La Pensée catholique, n°129, pp. 26-40 ; M. L. Guérard des Lauriers, " L’offertoire de la Messe et le Nouvel Ordo Missæ " in Itinéraires, n° 158, pp. 29-69 ; Louis Salleron, La nouvelle messe (Paris, 1976) ; Prof. Klaus Gamber, La réforme liturgique en question (Le Barroux, 1991) ; La Liturgie, n. 58-59 de Tu es Petrus ; Aidan Nichols, Regard sur la liturgie et la modernité, (Genève, 1998).

52. L’essence de la liturgie est précisémment d’exprimer dans l’ordre des signes le mystère qu’elle réalise. La théologie s’efforce d’approfondir ce même mystère dans l’intelligence de la foi. L’une et l’autre sont ordonnées au culte de Dieu, à la contemplation et à la vie de la grâce. Etant sauves sa validité et sa non-hétérodoxie, un rituel approuvé pour l’Eglise universelle peut être plus ou moins apte à faire entrer dans la contemplation du mystère, à en exprimer la richesse théologique, à disposer le fidèle à l’adoration et à la réception fructueuse de la grâce sacramentelle.

53. Missale Romanum et Missel Romain, Paris, 1975.

54. Notitiæ, Publication de la Congrégation pour le Culte divin, n. 92, avril 1974.

55. Il est significatif que dans certains diocèses, les prêtres ne peuvent dire la Messe (selon l’Ordo de Paul VI) en latin et orientée sans une permission spéciale de l’évêque. Il y a aussi des pays où les Conférences épiscopales rendent obligatoire la célébration en vernaculaire, dès qu’il y a assistance de peuple.

56. Cf. Jean-Paul II, Vita consecrata, n. 46.

57. Saint Thomas, Summa contra Gentiles, l. 3, c. 22, § 8 ; cf. De Potentia, q. 5, a. 1, arg. 7.

58. Dans un institut de vie consacrée, les Constitutions expriment la façon dont la " marche à la suite du Christ (...) est la règle suprême de vie des religieux " (can. 662). Dans les Sociétés de vie apostolique " les membres, sans les vœux religieux, poursuivent la fin apostolique propre de leur société et (...) tendent à la perfection de la charité par l’observation des Constitutions " (can. 731 § 1), qui " définissent leurs obligations et leurs droits " (can. 737).

59. L’obéissance " de jugement " est celle qui prétendrait faire coïncider le jugement de l’intelligence du sujet avec celui du Supérieur. Elle est hors des perspectives de la théologie thomiste, qui considère que l’obéissance est une vertu perfectionnant la volonté du sujet et ayant pour objet propre le précepte du Supérieur légitime commandant dans la sphère de sa juridiction (cf. Somme de Théologie, IIa IIæ, q. 104).

60. Cf. nn. 14, 32, 34, 50.

61. Audience du 26 octobre 1998 (D.C., n° 2193, p. 1012).

62. Ecclesia Dei, n. 5a.

63. Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, nn. 43a. et 41b.

64. Normes de la Congrégation pour les Religieux et de la Congrégation pour les Evêques Mutuæ relationes, 14 mai 1978, n. 11.

65. Can. 586 § 1.

66. Can. 586 § 2 ; cf. Jean-Paul II, Vita Consecrata, n. 48.

67. Commentaire du Code de droit canonique, Le droit de la vie consacrée, Normes communes, Paris, 1988, p. 80.

68. Cardinal Ratzinger, Conférence du 27 mai 1998 au Congrès mondial des Mouvements ecclésiaux (D. C. 2196, 91).

69. Encyclique Fides et ratio du 14 septembre 1998, n. 97.

70. Comme le montre l’intérêt du monde universitaire pour les traductions des œuvres de saint Thomas et celui de certains artistes pour le grégorien.

71. Ecclesia Dei, n. 5c.

72. Certains font valoir que ne pas concélébrer sacramentellement, c’est traduire une réticence par rapport au rite. Certes, mais toute réticence est-elle nécessairement illégitime ? Nous avons indiqué plus haut que ce sont des difficultés par rapport au rit qui expliquaient principalement le choix du monoritualisme.

73. Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 57.

74. Canon 902.

75. La situation de la liturgie dans ces instituts est analogue à celle qu’avaient les liturgies particulières des Ordres religieux, à l’intérieur de la liturgie latine. Celles-ci étaient considérées comme un statut ou privilège personnel, à la différence des liturgies de certains diocèses, comme Lyon et Milan, par exemple, qui étaient un privilège local.

Ainsi le droit propre de l’Ordre des Prêcheurs rendait obligatoire partout l’usage du rit dominicain (Constitutions Gillet, 1954, n. 561). De même le rit propre des Carmes de l’Antique Observance devait " être observé par tous les religieux appartenant à cet Ordre, sans excepter ceux qui étaient choisis pour diriger des paroisses " (Décret de la Congrégation des Rites, 24 mai 1905).

Le Motu proprio Ecclesia Dei, d’une part a demandé pour les fidèles une " application large et généreuse " de l’Indult de 1984 (n. 6c). D’autre part, il a instauré une Commission ayant parmi ses charges statutaires de réaliser " la pleine communion ecclésiale de prêtres, séminaristes, communautés religieuses (...) conservant les traditions liturgiques et spirituelles antérieures de la tradition latine " (n. 6a). L’érection à cette fin d’instituts de droit pontifical dotés de facultés spéciales crée l’équivalent d’un droit personnel accordé à la personne juridique des instituts, et auquel les membres ne peuvent donc renoncer librement (cf. canon 80 § 3).

Nous parlons seulement d’analogie, parce que le rite latin traditionnel est un bien commun de toute l’Eglise, et n’est pas réservé aux prêtres de nos instituts.

76. Les Supérieurs majeurs pour les instituts de droit pontifical sont Ordinaires propres de leurs sujets (cf. can. 134 § 1).

77. Cardinal Ratzinger, loc. cit.

78. Normes de la Congrégation pour les Religieux et de la Congrégation pour les Evêques Mutuæ relationes, n. 12.

79. Décret sur l’œcuménisme Unitatis Redintegratio, n. 4.

 

Article paru dans le numéro 68 de la revue trimestrielle :
SEDES SAPIENTIAE éditée par la
Société Saint-Thomas-d’Aquin - F-53340 CHEMERE LE ROI

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